jeudi, décembre 02, 2010

En janvier et d'actualité, n'est-ce pas




Couverture : Yves Mestrallet.
Postface : Maylis de Kerangal.

{Cliquer sur l'image pour l'agrandir.}

mardi, octobre 12, 2010

les Alain

Alain Farah est en France. Il y passe quelques jours pour rencontrer des lecteurs, des amis, des libraires, de la famille, des écrivains, des journalistes. On y parle Matamore et vie du livre de part et d’autre de l’Atlantique au MOTif avec des libraires et des critiques lève-tôt (merci le MOTif, merci les lève-tôt !) ; on y boit des cafés trop chers dans des endroits surestimés mais on s’en fout car on a tellement de choses à se dire qu’on parle vraiment très très vite et en plus, Alain aime la tour Eiffel et les grands magasins alors ça va ; Alain commande un sirop de citron et apprend que cela se sert avec du Vittel tandis que pour ma part je découvre qu’il n’y a pas de sirop de citron au Québec ; alors je rétorque à Alain « Mais vous avez du sirop d’érable ! hé ! hé ! » et là, il me regarde avec un air un peu triste ; je me rappelle que quand je suis crevée/stressée/patraque, j’ai vraiment un humour tout pourri ; qu’il vaudrait mieux s’abstenir ; nous arrivons en minibus Mercedes vitres fumées à la Maison de la radio pour le Rendez-vous de France culture ; nous sommes évidemment en avance, alors nous patientons au Café des ondes, ce qui n’est pas du goût des gardes du corps ; Alain prend l’accent parisien pour leur expliquer que tout va bien se passer ; Alain imite très bien l’accent parisien ; ça fait autorité ; il m’explique qu’on lui a dit une fois que les Québécois n’avaient jamais l’air fâché ; nous tombons d’accord sur le fait que seul un coup de boule peut constituer une réponse raisonnable et aisément compréhensible à ce genre d’assertion – le coup de boule n’a pas d’accent ; nous avons tous deux une mentalité d’insulaires ; nous trinquons aux agrumes ; je vois passer des poneys rue de Boulainvilliers, au milieu des voitures, je crois que c’est la fièvre alors je n’en parle pas, puis je finis quand même par demander à Alain : « Dis, les poneys, là, tu les vois aussi ? » ; il voit les poneys ; il y a des poneys qui passent devant la Maison de la radio, slalomant tranquillement entre les voitures dont le flux est tout lent ; nous arrivons au studio 168 et voyons Laurent et Matthieu et Florence et ; l’autre invité, Pierre-Laurent Aimard joue sublimement deux pièces de Ravel et je crache deux petites larmes sur mon fauteuil rouge même si un fa grave n’est décidément pas très catholique, sur ce piano ; je pense qu’il faut changer les feutres mais je n’en dis rien, évidemment ; l’agent Mariage remplit sa mission et prononce le mot « banane » ; Alain lit et répond, aisance et talent, et soudain, je crains la rupture de stock ; nous retrouvons le minibus et les gros bras ; ils veulent manger de la viande ; ils disent de la viande rouge ; ils répètent de la viande rouge ; nous les déposons place de Clichy avec l’accent parisien ; Emmanuel nous fait des raviolis ; sans viande ; nous apprenons que, presque au même moment, Nathalie et Stéphane mangent aussi des raviolis ; la communauté des raviolis se salue à quelques centaines de kilomètres de distance en souriant, tentant de se tourner dans un sens cardinal crédible ; elle ne pourra pas se réunir aujourd’hui, mardi, pour cause de grève – j’ai peur qu’Alain reste bloqué à Marseille, je sais les TGV bondés à l’absence de politesse des gens qui les bondent ; je veux protéger mon auteur, je veux qu’il ait des oreillers moelleux, de la sole cuite à point, des poignées de main sans virus, un public attentif ; Alain regarde la grève avec étonnement et admiration ; ce soir, donc, mardi 12 octobre, Nathalie Quintane sera à la librairie L’Histoire de l’œil à Marseille pour lire/signer Tomates, son dernier livre tout juste paru aux éditions P.O.L ; je vous conseille vivement d’acheter et de lire Tomates, le dernier livre de Nathalie Quintane ; Matamore n°29 aussi, bien sûr, mais ça, c’est trop naturel ; on aurait quand même bien aimé claquer une bise marseillaise à Nathalie et Nadia et Julien et ; sauf acharnement de la technique, Alain devrait y apparaître en duplex pour lire – mais évidemment pas signer – Matamore n°29 ; nous organiserons cette prouesse technique depuis les bureaux des éditions Inculte, chez Pensées classées, qui se trouvent à deux pas du restaurant Vins des Pyrénées où se déroulera le même soir le Mille-Feuilles Inculte ; l’occasion de présenter à Alain des amis qui sont aussi des écrivains talentueux (j’ai beaucoup de chance) et aussi d’autres amis tout aussi talentueux du métier du livre (j’ai beaucoup de chance) ; on va sans doute être un peu en retard, du coup ; j’espère qu’on va nous garder des places ; jeudi 14 octobre, à 20 heures, Alain lira et signera Matamore n°29 à Paris, à la librairie Le Comptoir des mots ; on vous attend nombreux, bien sûr, car ça va être super bien ; il faut que je pense à acheter des pastéis de nata pour Alain avant son départ, je n’aurais sans doute pas le temps d’en faire.


Mardi 12 octobre, 19 heures : Nathalie Quintane & Alain Farah (duplex) à la librairie L’Histoire de l’œil, à Marseille, 25 rue Fontange.

Jeudi 14 octobre, 20 heures : Alain Farah à la librairie Le Comptoir des mots, à Paris, 239 rue des Pyrénées, métro Gambetta.


(Les lecteurs de Matamore n°29 reconnaîtront dans ce récit un savant mélange de fiction délirante et de réalité euphorique destiné à rendre hommage à son sujet… Euh, bien sûr, les dates et lieux de rencontres/signatures sont rigoureusement authentiques…)

dimanche, octobre 03, 2010

Billy in Paris

Quelques mots après les trois jours de Billy Corgan à Paris, venu assurer la promotion de Chants magnétiques, son livre écrit avec Claire Fercak, alors qu’il est en pleine tournée des Smashing Pumpkins ; on le remercie donc à nouveau bien chaleureusement pour sa gentillesse et sa disponibilité.


Certaines rumeurs – qu’il faut donc prendre comme telles – le disent difficile. Rien de plus absurde : j’ai côtoyé au contraire quelqu’un de tout à fait prévenant, généreux et intuitif, artiste dans chacune de ses inflexions, star uniquement dans le bon sens du terme – conscient de son art, détestant l’apparat inutile. Et vous pourrez le lire ou l’entendre dans les entretiens à paraître, outre ses propos sur le choix de Médée pour l’écriture de Chants magnétiques, il délivre des analyses très pertinentes sur le monde de la musique, la nécessité de ne pas cloisonner les genres ni les pratiques artistiques – ce à quoi on ne peut qu’acquiescer, vous l’aurez compris.

Billy Corgan, Claire Fercak, Jérôme Dayre : à la librairie Atout-Livre.

Ceux qui étaient présent à la soirée de lecture musicale chez Atout-Livre le 30 septembre savent à quel point le moment était magique, et unique. L’équipe de Michel Field était là, donc, vous en aurez bientôt des nouvelles dans votre poste, mais des vidéos circulent déjà sur YouTube.



Outre la lecture d’extraits de Chants magnétiques par Claire Fercak accompagnée à la guitare par Billy Corgan, celui-ci nous a fait la joie de jouer plusieurs chansons – huit, si je me souviens bien – dont un inédit : « Jesus needs a hit ».

Il a également joué la chanson du dernier album des Smashing Pumpkins, Teargarden by Kaleidyscope, « Spangled », sortie le même jour que Chants magnétiques et que j’apprécie particulièrement ; la voici donc, dans l’émission Ce soir ou jamais du mercredi 29 septembre.


Au nom de Laureli & Léo Scheer, merci à tous ceux qui ont participé à cette belle aventure et notamment l’équipe de la librairie Atout-Livre, Nicolas Levy qui s’est – remarquablement – occupé du son ce soir-là, Nathalie Bru (traductrice), Claire Berest, Pascale Fougère (interprète), Aurélie Carpentier, l’hôtel Bedford pour son accueil et tout particulièrement l’attention diligente de Soizic et David.

samedi, août 28, 2010

sweat blood

La saison 2 d’Écrivains en séries est en montage. C’est-à-dire que les maquettes individuelles sont réalisées (bon, OK, presque, encore deux ou trois à boucler, mais vous croyez que les week-ends c’est fait pour buller, peut-être ?), il ne restera plus qu’à (ah ! ah !) tout chaîner à partir de lundi. Et puis reporter des corrections d’auteurs reçues à ce moment-là, ainsi que celles aimablement réalisées par Anne-Laure et Danièle, aussi… Et pof, quelque 500 pages en route vers l’imprimerie. Ce délicieux cauchemar aura donc duré trois semaines bien denses – je n’évoque, bien sûr, que la phase d’immersion. Mais au moins, j’ai protégé mon capital solaire, n’est-ce pas.
Bientôt viendra le temps de la lecture en librairie et du verre de l’amitié… Je vous tiendrai au courant.

En attendant... Trailer#1 : la vidéo réalisée par l’artiste Mélissa Epaminondi sur la série I Love Lucy à l’occasion d’Écrivains en séries, saison 2 : I LOVE MAMAN :



Trailer#2 : cinq épisodes d’Écrivains en séries, saison 1 seront diffusés ces prochains jours sur France Culture dans le cadre de l’émission Micro Fiction ; réalisation : Jacques Taroni.

Épisode 1, lundi 30 août à 11h50 : « Capo di tutti capi » de Tarik Noui, d’après Les Soprano > émission.

Épisode 2, mardi 31 août à 11h50 : « Desperate in the City » d’Hortense Gauthier, d’après Desperate Housewives et Sex and the City > émission.

Épisode 3, mercredi 1er septembre à 11h50 : « Vanités ou l’ironie du sort » de Laure Limongi, d’après Six Feet Under > émission.

Épisode 4, jeudi 2 septembre à 11h50 : Laure Limongi : Twin Peaks > émission.

Épisode 5, vendredi 3 septembre à 11h50 : « Dallas ou l’Engrenage » d’Emmanuel Tugny, d’après Dallas > émission.

Et La Vignette d’Aude Lavigne (France Culture, toujours) du 1er septembre est consacrée à la collection Laureli. Vous pouvez l’écouter ici.

Je remercie vivement l’équipe de Micro Fiction d’avoir choisi Écrivains en séries pour inaugurer cette nouvelle émission. Et Aude Lavigne pour ce joli moment – j’ai l'impression qu’on se marre pendant cinq minutes... mais on dit des chose sérieuses, aussi !

mardi, août 17, 2010

CosmoZ

Cher lecteur,

On a essayé de ne pas donner dans le méchant vilain spoiler.

Mais comme CosmoZ parle du Magicien d’Oz, on en raconte l’intrigue pour pouvoir expliquer comment et pourquoi l’auteur... enfin, vous voyez, quoi. Alors si ça fait trente ans que vous attendez de dévorer ce livre de L. Frank Baum ou de voir le film éponyme où l’on chante « Somewhere over the rainbow »… Eh bien, faites-le avant de lire cet article.

De surcroît, depuis la lecture de CosmoZ, on cherche à inventer un mot plus fort qu’« adorer » – là on est entre « aduldorer » et « gosténérer » –, alors on n’a pas pu s’empêcher, c’était plus fort que nous, d’analyser certains éléments du texte, notamment en les mettant en rapport avec d’autres livres de Claro.

Donc si vous êtes du genre à préférer arriver vierge de tout commentaire dans une œuvre magistrale – un peu comme à la plage on ne saurait s’interdire le plaisir violent de la déferlante –, vous pouvez suspendre la lecture de ces lignes et vous ruer les yeux fermés chez votre libraire préféré et lire CosmoZ là, maintenant, tout de suite, avant que le monde n’explose.



CosmoZ est le quinzième livre de Claro. CosmoZ avec un Z capital final, faisant tourner le mot sur lui-même en une ronde folle, annonçant les 496 pages de vertige narratif, d’émerveillement et d’inquiétude offerts au lecteur, portant le Oz du Magicien, point de départ et matériau d’écriture.

Le Magicien d’Oz, vous vous rappelez1 ? La petite Dorothy s’ennuie au Kansas dans la ferme de son oncle et de sa tante, elle est toujours accompagnée de son chien Toto, enthousiaste et jappant, à la façon d’un Milou. Une tornade s’élève, Dorothy s’assomme, absurdement réfugiée dans sa chambre, et déboule dans le monde merveilleux d’Oz, parmi les Munchkins – de fort pittoresques petits êtres chantant et dansant –, oh ! we are not in Kansas anymore, écrabouillant au passage la Méchante Sorcière de l’Est dont elle récupère les souliers magiques, en argent (en rubis dans le film avec Judy Garland, c’était plus spectaculaire pour les effets en technicolor…) Elle emprunte la route de briques jaunes pour rencontrer le Magicien d’Oz qui vit dans la cité d’Émeraude et qui lui permettra sans doute – lui dit la bonne sorcière Glynda – de rentrer chez elle. En chemin, elle rencontre l’Épouvantail qui aimerait tant avoir un cerveau, l’Homme de fer-blanc, qui se plaint de ne pas avoir de cœur, et le Lion poltron, dont la couardise est un inconvénient notable pour un félin censé régner sur la jungle… Chacun investi d’une mission ontologique, ils poursuivent leur Graal malgré les embûches semées par la Méchante Sorcière de l’Ouest qui est vraiment énervée qu’une pimbêche en robe vichy ait trucidé sa sœurette la Méchante Sorcière de l’Est et qui en récupérerait volontiers les souliers magiques… Bon, je saute les péripéties suivantes, les singes volants et autres seaux d’eau létale, vous connaissez la fin, vaguement déceptive, le Magicien est un charlatan mais tout est happy car chaque self made personnage détient la clef de son mystère. There is no place like home, buddies.

« Mais la légende ne sait pas comment finit le monde, tout comme elle ignore la façon dont il a commencé. La légende ne sait que relever la jupe et confier au caniveau l’image de ses plis intimes. La légende boit du vermouth et bat les cartes. Elle suit des inconnus dans la rue. Elle creuse des tranchées qu’elle remplit d’os et de diamants. Elle se mouche à tout bout de champ. La légende est folle et on doit, parfois, l’interner de force, entre l’idée et la réalité, afin que tombe l’ombre. »2

CosmoZ. « Lasciate ogni speranza voi che entrate ! » Dieu n’est pas un gentil toutou qui donne la papatte, Dieu est plutôt un charlatan pervers, façon Magicien d’Oz, qui t’envoie ton libre-arbitre en pleine figure tout en pipant un peu les dés, quand même, c’est plus drôle. « Si la terre n’était que vaine, ça irait encore ! Hommes creux, hommes de peu de feu ! Tous destinés aux fours, avec livres et brioches ! »3 Claro tend une pomme à Dorothy qui la croque, évidemment, en défaisant ses tresses, et voilà les personnages d’Oz, incarnés, lancés dans le tumultueux XXe siècle. « Un jour, le monde les avait reniés, leur offrant pour seul refuge la prison du réel. »4 Dorothy devient une infirmière dévouée et un peu naïve de la guerre de 14-18, toujours flanquée de son Toto jappant. L’Homme de fer-blanc et l’Épouvantail sont respectivement Nick Chopper et Oscar Crow, l’un, grand mutilé rapiécé de pied en cap par la science, l’autre, dont la mémoire est devenue défectueuse en raison d’un éclat d’obus. Le lion poltron, lui, a très vite mal fini5… La Méchante Sorcière de l’Est, Elfeba, est une aviatrice qui prend le ciel pour une page à noircir. Quant aux Munchkins, Avram et Eizik, des jumeaux, ils découvrent ce que signifie vivre dans un monde qui n’est pas à leur échelle, les considérant comme une monstruosité, un spectacle, et entament une errance à la recherche d’une porte pour retourner à Oz ainsi que leurs autres camarades, déplacés. Ils sont perdus dans l’absurdité du réel et son déchaînement de violence : « Le monde est un abattoir et nous n’avons plus faim »6 , there is no place like Oz, finalement. Leur parcours tragique est l’occasion d’une traversée des cinquante premières années de ce siècle qui a inventé les camps de concentration et la bombe atomique. Dans Livre XIX, Claro se livrait à une magistrale recomposition du XIXe siècle7, avec le cheval pour animal totémique, des découvertes défiant les airs en « baudruches infernales »8, la barricade en support de traité et marche à révolution. CosmoZ s’inscrit dont en suite chronologique de Livre XIX et si l’écriture de Claro s’y révèle plus dévouée à la narration – développant cette cosmogonie avec envergure et souffle épique –, elle ne cède en rien à l’exigence et aux obsessions de ses précédents livres.

Ainsi la fascination pour les machines – ou plutôt le rapport entre les hommes et les machines, l’invention des machines par les hommes –, la description scientifique comme matière de langage malléable dont on peut explorer la polysémie et dériver ainsi vers des continents imaginaires. Dans Livre XIX, on narre l’art de la montgolfière et l’avènement du gaz, avec une précision de dissection gourmande ; dans Chair électrique, c’est le siège homophone dont on chante la « furie noueuse »9 et qui devient un étrange vaisseau traversant les généalogies. Dans CosmoZ, on l’a évoqué, les grandes trouvailles du siècle, les morbides10, les « chouettes, [l]es brillantes, [l]es qu’il faut nettoyer souvent pour le plaisir »11, mais aussi la technique de dactylographie aérienne d’Elfeba ou encore la reconstruction des plus expérimentales du soldat Nick Chopper – surnommé « la Charpie » après sa reptation explosive dans une tranchée – traité par le Dr Huizard, rafistolant à tout va les mutilés comme on ferait en sorte que des épaves automobiles puissent passer sans encombre leur contrôle technique pour être encore propres à la circulation, mû par un motif économique réifiant les êtres – « allait-on laisser ces gueules ratées, ces unijambistes et ces manchots se tourner, hum, des pouces que très souvent ils n’avaient plus ? »12 – pour mieux les exploiter, dans l’intérêt de l’État. Mais évidemment, le grain de sable. Quelque chose échappe au scientifique, dérape, et Nick Chopper, rebaptisé « la Conserve », quart homme, trois quarts machine, ne finira pas ses jours à l’usine inaugurer les congés payés en rouillant sa carcasse sur une plage de Normandie, mais devient – sans le vouloir – récepteur d’ondes radio, habité par la voix fantomale de T.S. Elliot. Poésie contre industrie. Industrie tombe à l’eau. Les abîmés refusent le spectacle et se font la malle.

L’« insurrection des détails »13 se poursuit dans le domaine médical avec l’étrange tumeur de la langue du jeune L. Frank Baum – le futur créateur de l’univers d’Oz, donc – qui explose et infecte l’air comme une vesse de loup pailletée, et finira par réapparaître dans la bouche de Dorothy pour mieux la manger, cette enfant. Et chaque personnage de s’ériger en monstre pour interroger la normalité et ses diktats : Oscar Crow, par exemple, amputé de sa mémoire, a finalement une appréhension du temps sans doute plus subtile que la moyenne… Monstres et chimères animent ainsi tous les livres de Claro : Guilderstein l’homme-chien dans Ezzelina14, la borgne Nina de Livre XIX, ou encore Méduse – celle-là même dont la chevelure est un nid de serpents – dans Bunker anatomie15. S’y adjoint évidemment, la horde ozienne phénoménale, scène freaksienne s’il en est, lâchée dans le siècle des camps, chair à bourreaux, orpheline, victime, qui va de désillusion en désenchantement, avec son humanité, oui, son humanité – la notion semble déjà obsolète au XXe – pour seul bagage. « Ce sont là des couleurs trop violentes pour des hommes qui veulent croire que le monde restera sépia face à l’attraction des parcs et à la concentration des camps. »16

CosmoZ est une anti-féerie magnétique qui prend dans ses rets un lecteur qu’elle ne lâche plus, jouant de l’indistinction entre fiction et réalité pour mieux s’immiscer dans chaque pli vécu, dans chaque souvenir, crainte ou espérance. On la dévore à grands traits comme un poison au goût d’ambroisie. CosmoZ est un outre-monde infiniment fascinant, infiniment inquiétant. Il faudrait à la fois contempler la voûte lumineuse, considérer l’épopée dans son ensemble, et savoir s’arrêter à l’échelle d’une étoile, d’une phrase, en observer la mécanique précise, implacable, les jeux de miroir, l’horizontalité sémantique. Suspendons le temps et faisons-le, dévorons et dégustons CosmoZ tout à la fois, nous en avons le pouvoir, l’écrivain dit qu’il est en nous.

Les livres de Claro sont des mondes, ses cadences, des arias. Dans CosmoZ, il conserve son goût de l’invention typographique17 tout en atteignant – depuis Mille milliards de milieux – une autre dimension littéraire. Plus vaste, plus fédératrice. Pour la décrire, je tenterais volontiers une comparaison avec Glenn Gould et son « apprentissage de la lenteur », dans les Variations Goldberg, entre son interprétation de 1955 et celle de 1981, plus lente, faisant l’économie d’une virtuosité qui n’avait plus besoin d’être démontrée. Claro atteint cet accomplissement là avec CosmoZ, maîtrisant à la perfection chaque inflexion, sachant céder au plaisir du récit, peignant l’émotion à bras le corps, la cruauté sans parallaxe, tissant d’innombrables pistes, planquées en cheval de Troie, pour une lecture inépuisable, bifurquante. Une épopée du siècle déjà dernier – celui qui nous a vus naître, celui dont les mythologies incandescentes nous habitent – incontournable, bouleversante.

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Notes :
1- Le roman écrit en 1900 par L. Frank Baum est un classique de la littérature enfantine aux États-Unis, quant au film réalisé par Victor Fleming (sorti en 1939), il est l’un des plus grands succès cinématographiques mondiaux.
2-
CosmoZ, p. 48.
3- Ibidem, p. 350.
4- Ibid., p. 177.
5- Mais l’on vous assure qu’aucun animal n’a été blessé ou maltraité pour l’écriture de ce livre.
6- Ibid., p. 90.
7- Livre XIX, Verticales, 1997. Et puisque l’on parle de goût pour l’intrication histoires/Histoire, notons que dès
Insula Batavorum (Claro, Arléa, 1989), le personnage Moghilev apprivoise sa langue (mort-vivante) et son histoire à travers l’épopée du peuple batave au début de l’ère chrétienne – et sa défaite face à l’Empire romain.
8-
Livre XIX, p. 59.
9-
Chair électrique, Verticales, 2003, p. 11.
10- « Et la colère de Dieu n’est plus qu’une allumette. » (
CosmoZ, p. 492.)
11- « Des armes », poème de Léo Ferré interprété par Noir Désir.
12-
CosmoZ, p. 173.
13- Ibid., p. 218.
14-
Ezzelina, Arlea, 1986.
15- Verticales, 2004.
16-
CosmoZ, p. 364.
17- Très présente dans
Chair électrique et Mille milliards de milieux (éditions Le bec en l’air, 2010).

CosmoZ, Claro, Actes Sud, 496 pages, en librairie le 18 août 2010.

mardi, août 03, 2010

Douce France

C’est un hexagone qui atteint 671 000 km2, son littoral s’étend sur 8245 km. Une merveille écologique, un catalogue de paysages, des falaises bretonnes aux massifs alpins, des campagnes verdoyantes à l’île de beauté, et même de l’outre mer avec du climat tropical. Une histoire avec de la fleur de lys, de la bataille rutilante, du héros national, du patrimoine. Une perle européenne où il fait bon vivre, que l’étranger nous envie. France, terre de culture, de bonne bouffe, de raffinement. Baguette de pain, hôtels de charme, châteaux de la Loire, confit de canard, et Code pénal. Oui mais voilà. Vous la sentez, cette pesanteur qui s’abat sur nous depuis quelques années ? Vous sentez cette honte d’observer chaque jour un peu plus la liberté, l’égalité, la fraternité bafouées ? Les Lumières à la cave, la muséification délétère, l’oubli des valeurs, la création considérée comme un passe-temps superfétatoire. Vous aussi vous pleurez bêtement en regardant des CRS violenter des familles sans logement ? Et puis ensuite vous vous étouffez tout aussi bêtement dans vos pleurs, animé d’une rage impuissante ? Muselé par l’impuissance. Le dégoût, la résignation, sont votre quotidien. Vous travaillez plus pour gagner moins. Vous avez peur, l’hiver, de croiser les regards de ceux qui dorment dehors, vous vous dites mais pourquoi ne trouve-t-on pas de solution ; vous vous dites et si c’était moi, si je déconne, si quelque chose déconne, ça peut être moi ; vous êtes secoué d’un frisson et vous accélérez le pas ; vous comprenez que si on ne trouve pas de solution, c’est pour que vous ayez peur et que vous marchiez droit, que vous fassiez tout pour ne pas finir à la rue, comme on laissait les pendus se balancer aux coins des rues au Moyen Âge. Vous rêveriez de soulever des montagnes, vous arrivez à peine à vous lever le matin. Vous voudriez partir au bout du monde soulager toute la misère du monde, vous n’avez même pas la constance d’agir à votre porte. Vous fantasmez des idéaux et vous ne parvenez pas à en soutenir l’intensité. Vous restez interdit, suspendu dans la fange. Vous êtes outré de voir partir des charters. Vous êtes choqué de constater qu’on institue un outrage au drapeau, plein de sang dans le bas et de ciel dans le haut, alors que n’importe quel citoyen peut être maltraité à tout moment par une police toujours plus puissante. Vous avez une carte d’identité et même un passeport, vous avez eu la chance de l’obtenir sans difficulté, étant français de parents français. Vous êtes soulagé de ne pas avoir eu de difficulté à obtenir votre passeport. Vous avez une carte électorale, que vous utilisez docilement à chaque élection, vous votez même utile, quand il le faut, souvent avec un haut-le-cœur. Vous écarquillez les yeux quand vous entendez nationalité et déchéance. Vous n’y croyez pas trop, mais vous avez bien entendu. Vous n’avez pas la force d’y croire, vous avez déjà avalé tant de couleuvres. Vous regretteriez presque Giscard et Chirac. Vous n’êtes pas du même bord politique, mais vous n’aviez pas honte d’eux. Le dégoût colle, l’écœurement se respire. Vous évoluez dans un cirque d’indignité, vous faites la roue, vous trébuchez, vous vous relevez, époussetant les compromissions. Vous vous sentez infiniment vieux alors que vous ne l’êtes pas… comment les choses ont-elles pu dégénérer aussi rapidement ? Vous vous demandez si cela va changer un jour. Vous vous dites qu’il faut que cela change, un jour, et vite. Vous espérez une énergie, une synergie, quelque chose. Vous pensez aux dictatures, aux blessures de l’Histoire, et vous vous demandez comment vous pouvez vous laisser atteindre par cette chape infâme aux habits de redressement économique alors que vous marchez librement dans la rue, alors que votre vie n’est pas menacée ; vous en êtes gêné. Vous vous pensiez plus fort que ça. Mais ça s’insinue, insidieusement, ça ronge. Vous ne vous sentez pas à la hauteur du défi. Vous devez être à la hauteur, pourtant. Oui, vous.


Ajout du 28 août :

mardi, juillet 20, 2010

Rien n’aura eu lieu que La Baule

Ah, La Baule ! Grand moment de littérature et d’amitié qui restera dans nos mémoires ébaubies – comme dirait Mathieu Larnaudie. Et comme le projet de Brigitte et Bernard Martin – qui ont également créé et dirigent les éditions Joca Seria – n’est pas de conserver ces instants entre les jolies pierres du lieu mais bien de les partager, vous pouvez déjà consulter cette vidéo présentant quelques extraits :


Écrivains en bord de mer 2010 : jeudi 15/07/10
envoyé par jocaseria

D’autres seront bientôt mises en ligne ici.

J’y ai donc, entre autres choses, entendu Lola Lafon accompagnée des musiciens Olivier Lambert et Ivica Bogdanic, vu les Inculte en action, découvert le travail sonore de Philippe Adam, les livres de Pierre Senges – shame on me mais il n’est jamais trop tard, n’est-ce pas ? –, l’univers de l’écrivain mexicain David Toscana et qu’on pouvait boire de la bonne Tequila, etc.

Vous l’avez compris, le festival Écrivains en bord de mer, à La Baule, c’est un peu le paradis : une programmation cohérente, pensée par Brigitte et Bernard Martin, initiateurs et meneurs du festival, Bernard assurant la quasi totalité – cette année, Alain Nicolas, critique à L’Humanité, était également invité – des rencontres avec les écrivains, ce qui permet de prendre la mesure de son enthousiasme et de la logique esthétique du projet ; un lieu adéquat (la chapelle Sainte-Anne) et un accueil chaleureux ; un libraire engagé, Gérard Lambert – librairie Voix au chapitre à Saint-Nazaire ; un public attentif, curieux, fidèle, d’année en année, au festival.

Nous étions donc comme des tourteaux en plateaux – « coq en pâte » ne serait pas très baulois… et je suis sûre qu’Oliver Rohe appréciera cette adaptation iodée –, profitant, dans les interstices, de « la plus belle plage d’Europe » – je cite la dénomination locale : en tant que corse, je suis obligée de préciser que c’est une citation tout en reconnaissant que c’est presque aussi beau que Palombaggia ou plutôt que c’est aussi beau que Palombaggia mais pas pareil, vous voyez ?…

Et c’est enduite de Biafine que je clos ces quelques lignes sur des clichés de Baulois de quatre jours, heureux (photos Sabine Audrerie, Bernard Martin, bibi) :


{Les trois photos verticales de gauche, de haut en bas : brochure du festival, chapelle Sainte-Anne, Lola Lafon et Olivier Lambert ; les photos horizontales de gauche à droite et de haut en bas : Maylis de Kerangal, Hélène Gaudy & bibi, Julien d’Abrigeon, ombres de Sabine Audrerie et bibi, François Morice et Alice, Brigitte et Bernard Martin, Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe, un plateau de fruits de mer (mmmmm), Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe, bouleversés par l’océan, Alain Nicolas et Gérard Lambert, Julien d’Abrigeon et bibi, Caroline Psyroukis et Sabine Audrerie, Bernard Martin et Thierry Guichard, la rencontre Inculte : Maylis de Kerangal, Mathieu Larnaudie, Hélène Gaudy, Oliver Rohe (animée par Alain Nicolas et Bernard Martin), Oliver Rohe et bibi, Alain Nicolas et Pierre Senges, Oliver Lambert, Lola Lafon et Ivica Bogdanic, Mathieu Larnaudie, Maylis de Kerangal et Oliver Rohe, Philippe Adam, Brigitte Martin ; les trois photos verticales de droite, de haut en bas : Lola Lafon, Sabine Audrerie lisant Pas Billy the Kid de Julien d’Abrigeon, Bernard Martin et sa verveine.}

lundi, juillet 12, 2010

Équipage

Avec des potes, enfin, je veux dire, avec d’éminents collègues, mes pairs, écrivains, cette année, on a eu la chance d’être invités au festival Écrivains en bord de mer, une manifestation organisée par les éditions Joca Seria qui se déroule à La Baule, du 14 au 18 juillet 2010 – le programme ici.

J’en suis bien contente, parce que 1- j’adore lire (mes textes ou ceux des autres, à haute voix, en public ; j’aime bien sûr les lire aussi pas à haute voix, je ne suis pas folle, comme dirait Bessette ; enfin, ceux des autres, je veux dire, les miens, je ne passe pas mon temps à les relire hors scène…) ; 2- je ne suis jamais allée à La Baule et cela constituera ma seule sortie « en bord de mer » de mon studieux été, en plus… ; 3- j’y retrouverai de bons camarades (d’où ma blague en incipit) et j’y rencontrerai d’autres écrivains, dont j’estime le travail. Bref, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

J’ai également eu l’honneur et l’avantage d’être interviewée par Quentin Périnel pour le magazine Kostar, diffusé en Loire Atlantique, un gratuit qui évoque les actualités de création artistique et culturelle du grand Ouest – dans ce numéro#21 d’été, vous lirez entre autres également deux pages de Pierrick Sorin et un grand entretien avec le groupe Sexy Sushi (dont je vous ai déjà parlé ici mais j’arrive plus à retrouver où… j’écoute toujours « T’enflamme pas pétasse », « Hibernatus/DVD » et autre « Fokjaretdeboire » en boucle….) à l’occasion de la sortie de leur nouvel album (oh la bonne nouvelle !) Cyril.

Avec Quentin Périnel, de Kostar, donc, on avait papoté plus longuement, via boîtes mail interposées, que ce qui apparaît dans le magazine… Donc, je me permets de reproduire ici ses questions et mes réponses. Rendez-vous à La Baule !


° Quels genres de livres emmenez-vous à la plage ?

À vrai dire, à la plage, j’emporte plutôt un paréo et des palmes… Lire est l’un de mes métiers et je trouve assez violent de le faire en plein air, la lumière est toujours trop violente, du sable s’immisce entre les pages, on finit toujours plus ou moins par laisser des traces de monoï sur un joli bouffant soigneusement choisi par l’éditeur, et puis il faut surveiller d’un œil le neveu qui se baigne, ce qui n’est guère propice à la concentration… Je préfère lézarder tranquillement, écouter le bruit des vagues, faire des pâtés de sable avec les mômes et siroter de l’eau de coco. Mais, certes, il m’est tout de même arrivé d’y emporter des livres : Au piano de Jean Echenoz ; Trois vies de Gertrude Stein ; Point de lendemain de Vivant Denom ; Arrêter d’écrire de David Markson ; Lamiel de Stendhal ; le Journal de Kurt Cobain ; Bunker anatomie de Claro ; Le Choix des mots de Clément Rosset ; Salammbô de Flaubert ; Devant le temps de Georges Didi-Huberman ; Psychotic Reactions de Lester Bangs ; Remèdes à l’amour d’Ovide ; Celestino avant l’aube de Reinaldo Arenas ; Moinous & Sucette de Raymond Federman ; La Funghimiracolette d’Olivier Mellano ; Grandes espérances de Kathy Acker…


° Y a-t-il un livre (voire plusieurs) que vous auriez honte d’avoir lu, et d’avoir aimé ?

Non, je n’ai aucun sentiment de honte esthétique pour la bonne et simple raison que je revendique l’hétérogénéité des goûts. Et il y a encore moins de honte à lire un livre que l’on trouve déplorable, cela permet de mieux cerner le curseur de ses prédilections – même si l’on n’est évidemment pas obligé de s’imposer trop d’épreuves masochistes de ce genre.


° Quel écrivain tapageur médiatique trouvez-vous charismatique ? Ou insupportable ?

Je ne suis guère sensible au charisme des individus médiatiques, sans doute parce que je maîtrise moi-même assez bien la rhétorique ainsi que Photoshop. Et j’aime encore moins éreinter mes contemporains. D’autant plus qu’il y a suffisamment d’œuvres qui émeuvent, bouleversent, passionnent – des œuvres contemporaines que l’on peut découvrir chaque jour dans de bonnes librairies – pour faire passer le goût des fâcheux effets à obsolescence rapide qui mobilisent trop souvent kiosques et écrans.


° Quel auteur pourrait écrire votre biographie ?

Qui pourrait avoir cette idée saugrenue un jour ? Si cela devait arriver, cela serait sans doute dans cent ou deux cents ans… Peut-être un jeune auteur refusant de se soumettre au formatage ambiant qui aura découvert la collection Laureli à la BNF, et ces livres l’auront conforté dans son indocilité, alors, il aura décidé d’écrire une biographie sur leur éditeur ayant également commis des écrits. Mais on lui refusera son manuscrit parce que même romancé – l’enfance au sein des « nuits bleues » de la Corse des années 80, le pittoresque Paris festif des années 2000… – cela ne sera pas assez vendeur, alors, il le mettra en ligne gratuitement, pour la beauté du geste.


° Le livre que vous auriez rêvé écrire ?

Il y en a plusieurs et je vais sans doute en oublier : Ulysse de James Joyce ; RAS infirmière chef de B.S. Johson ; La Tour d’Hélène Bessette ; Louve basse de Denis Roche ; Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert ; Vie et opinions de Tristram Shandy de Laurence Sterne ; Rose poussière de Jean-Jacques Schuhl ; Roses et poireau de Arno Schmidt ; Cap au pire de Samuel Beckett ; Yapou bétail humain de Shozo Numa…


° Le livre inadaptable au cinéma ?

Salmigondis de Gilbert Sorrentino… Quoique…


° Un écrivain en bord de mer, c’est un écrivain en vacances ?

Un peu. Mais un écrivain n’est jamais en vacances…

samedi, juillet 10, 2010

Splaaassssshhhhhh !…

En exclusivité mondiale sous vos yeux ébahis, voici la couverture d’Écrivains en séries, saison 2, réalisée par Danny Steve, qu’on applaudit bien fort. De surcroît, on appréciera à sa juste valeur ce moment de fraîcheur absolument salutaire par les temps qui courent, ou plutôt se traînent lamentablement en suant.


Je rappelle qu’Écrivains en séries, saison 2, sortira le 14 octobre – si j’ai survécu à son élaboration (sinon, j’imagine que mes collègues observeront un petit délai de deuil et que ça sortira le 15 – Julia, Florent, au cas où : le dossier se trouve dans Macintosh HD>Laureli>ECRIVAINS EN SERIES>EES2>EES2_Exe).

Vous pourrez consulter ici avant que le mois d’août ne pose ses pattes brûlantes sur nous, grâce au talent et à l’adorable diligence de Tony Lesterlin, le détail du casting ainsi que les séries dont on parlera dans ce pléthorique volume.

jeudi, juillet 08, 2010

Autruche

Oui, bon, ça va, hein, c’est pas la peine de prendre vos vuvuzelas pour me le gueuler dans le tympan, oui, j’ai remarqué, je délaisse Rougelarsenrose, je vais même plus à la salle de sports et certains sont sur le point de me poignarder tellement j’ai des emails en retard… Ben voui, voui voui voui, mais vous le savez, je me donne sang et lymphe à Laureli, dans les interstices, je tente de me flanquer de bons coups de pied au cul pour avancer cette putain d’arlésienne que commence à devenir mon livre en cours, et puis j’ai négocié durement avec l’algie vasculaire de la face dernièrement et tout un tas de petits tracas de santé en cascade qui me rappellent que malgré mon éternel esprit adolescent… ben j’ai quand même 34 ans et en petite chose un peu fragile du bulbe avec un léger défaut de fabrication à l’intérieur, je commence à payer mes nuits blanches. Merde. Mais je vous rassure, je suis tellement pleine de bonnes résolutions que je pourrai jouer dans un remake de Sainte Thérèse. Je me mets au yoga – fini les plans : je cours une heure, j’enchaîne sur 30 pompes, 200 abdos et puis après je vais bosser pendant douze heures… avant de filer à une fête gin-darkdog… non, maintenant c’est technique de respiration et sollicitation des muscles profonds –, je ne laisse plus traîner mes papiers – enfin, je veux dire, j’ouvre les courriers de la banque et tout et tout… de temps en temps… –, je reprends le chant choral parce que c’est quand même le super pied, le chant, je fume deux cigarettes de moins que d’habitude – faut rester rationnel, quand même, dans ses bonnes résolutions –, je suis plus présente pour le chat, pardon pour les chats – j’ai failli oublier mon futur beau-chat Popol Vuh ou Ezra Pound (le nom n’a pas encore été choisi par son heureux maître) et puis surtout, hein, je profite ; enfin, j’essaie.

Un petit résumé des épisodes précédents, tout de même, puisque le mois de juin a été riche en lectures et autres rencontres littéraires.

Samedi 12 juin, c’était la rencontre-lecture autour de l’œuvre d’Hélène Bessette à la librairie MK2 quai de Loire dans le cadre du festival Paris en toutes lettres et sur une invitation de la libraire du lieu, Sophie Quetteville, avec Emmanuelle Clément, Sophie Quetteville, Julien Doussinault et bibi ; de superbes lectures de Ida ou le délire, La Tour, maternA… par Sophie Quetteville – oui, qui non contente d’être une géniale libraire est une grandiose lectrice-actrice – et Emmanuelle Clément – magnifique actrice que vous retrouverez bientôt sur scène – qui ont tellement époustouflé tous ceux qui avaient réussi à se lever ce jour-là qu’on s’est dit qu’on allait remettre ça et même, tiens, le filmer afin d’en faire profiter tout le monde.

Dimanche 13 juin, c’était ma journée marathon avec une lecture du Travail de rivière à 15 h dans le cadre de la périphérie du Marché de la poésie et de Paris en toutes lettres, où j’ai pu découvrir le magnifique travail poétique de Laurence Vielle et écouter, pour la énième fois – mais on ne s’en lasse pas – le grand Serge Pey.

Puis à 18 h, au CentQuatre (toujours dans le cadre de Paris en toutes lettres), j’ai lu des extraits de Chut, La Fourrure de ma tante Rachel et Les Carcasses de Raymond Federman. C’était un drôle de moment, terriblement émouvant. C’était la première fois que j’entendais quelqu’un d’autre lire les textes de Raymond… Et ce quelqu’un d’autre, c’était moi. Moi qui n’ai jamais vraiment le trac – je monte sur scène depuis l’âge de 6 ans, ça vaccine… –, j’étais un peu terrorisée de porter ces textes que j’aime tant… Et puis la magie moinous a opérée et j’ai donné tout ce que j’avais, et j’ai assumé ce que n’accepte jamais lorsqu’il s’agit de lire mes propres textes : l’émotion.

Vendredi 25 juin, c’était à Marseille, au CIPM, sur une invitation de Jean-François Bory dans le cadre de « la soirée des usagers du CIPM », avec Jean-Noël Orengo et Pierre Ménard. Une très belle soirée qui m’a permis de réentendre Pierre Ménard et de découvrir les textes de Jean-Noël Orengo. Vous pouvez écouter des extraits des lectures sur le site du CIPM ici, et . Nathalie Quintane, Rémi Marie et Didier da Silva avaient fait le déplacement… Et puis ça m’a aussi permis de visiter enfin la librairie L’Histoire de l’œil… qui se trouve en face du traiteur Georges Bataille (oui oui), à Marseille, une librairie où l’on a envie de faire des folies de sa carte bleue et où il se passe plein de choses – côté Laureli, L’Histoire de l’œil a reçu Didier da Silva et Julien d’Abrigeon.

Mardi 29 juin, Jean-Michel Espitallier refaisait La Java, oui, après Java, à La Java, vous suivez ? Avec Frank Smith, David Sillanoli et Les Toutes, Jacques Barbaut et Djulee Jay, et bibi, dans le cadre de la résidence de Jean-Michel en Ile-de-France et des périphériques du Marché de la poésie. C’était bien chouette aussi. J’ai adoré la lecture de Guantanamo, hélas, ma saloperie de migraine ne m’a permis d’apprécier la musique garage-punk des Toutes qu’à travers un étage de distance.

vendredi, juin 04, 2010

En capitale et en toutes lettres

Panamiennes, Panamiens, du 9 au 13 juin, vous aurez la chance de pouvoir assister au pléthorique festival Paris en toutes lettres dont vous pouvez consulter la programmation ici. Vous pourrez notamment y voir – essai de traversée de cette grande traversée :

Jeudi 10 juin : à 18 h, Hélène Frappat & Philippe Collin au Petit Palais.

Vendredi 11 juin : à 18 h, Brigitte Fontaine aux Bouffes du Nord ; à 19h30, Antoine Volodine & Olivier Aubert au CentQuatre (atelier 2) ; à 20 h, Pierre Guyotat & Marcel Bozonnet au Reid Hall ; à 20h30, Riad Sattouf au CentQuatre (la scène) ; à 22 h, Olivier Mellano & Barbara Carlotti au CentQuatre (salle 200).

Samedi 12 juin : à 11h30, lecture-rencontre autour d’Hélène Bessette à la librairie MK2 quai de Loire, avec Emmanuelle Clément, Sophie Quetteville, Julien Doussinault et bibi ; à 15 h, Cécile Guilbert évoque Nabokov à l’Hôtel de Lauzun ; à 16h30, Jakuta Alikavazovic & Julián Ríos au CentQuatre (atelier 2) ; à 21 h, Thomas Clerc au CentQuatre (atelier 7).

Dimanche 13 juin : à 11h30, Claro à la librairie MK2 quai de Loire (avec le comédien Bruno Blairet) ; à 15 h, bibi (lecture d’un extrait du Travail de rivière) ainsi que Serge Pey, Jacques Rebotier et Laurence Vielle dans la cour de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, 24 rue Pavée ; à 18 h, lecture d’extraits de l’œuvre de Raymond Federman au CentQuatre (atelier 7) par bibi ; à 19 h, lecture d’extraits de Chants magnétiques par Claire Fercak à l’institut Hongrois (92 rue Bonaparte) dans le cadre d’une carte blanche à Eva Almassy.

mercredi, juin 02, 2010

Matamore n°29, acte 2

And now, ladies & gentlemen… the cover!


Par Marion Pannier, donc. Quelque chose de très iconique, forcément, connoté sixties, avec un joli patatore pour tuer les gens avec des patates – pour toute explication, lire Matamore n°29 – et une jolie blonde qui pourrait être polonaise et qui pourrait jouer au tennis – pour toute explication, lire Matamore n°29.

Il ne vous reste donc plus qu’à attendre sagement le 1er septembre. Je sais que ça va être difficile et je vous soutiens dans cette épreuve. Une bonne nouvelle pour vous faire patienter : Alain Farah viendra à Paris une dizaine de jours à Paris au mois d’octobre. Lectures, signatures et cocktails en perspective. Je vous tiens au courant.

samedi, mai 22, 2010

Matamore n°29, acte I




« De l'intérieur d'un cheval fabriqué par moi-même, pour m'attaquer moi-même, par surprise. »

Alain Farah, Matamore n°29



Le 1er septembre, chez Laureli, sort Matamore n°29 d’Alain Farah. Ce livre était paru en 2008 au Quartanier, l’excellente maison d’édition d’Éric de Larochellière, au Québec – j’ai expliqué nos affinités Quartanier/Laureli dans un précédent billet. Quelques privilégiés, dont je fais partie, avaient réussi à se le procurer et découvert ainsi cette écriture incroyablement indomptée – pour ne pas réutiliser l’adjectif « indocile », dont j’abuse –, foisonnante, généreuse, où la sole meunière côtoie une – brève et lumineuse – analyse de Ulysse de Joyce, le coup de tête de Zizou, la correspondance de Flaubert, le « patatore » – description du « patatore » p. 27 de Matamore, le 1er septembre – s’érige en arme pour crime parfait, les règles du tennis structurent le récit, le-sombre est sans cesse repoussé de cuisses interminables de blondes polonaises en moments d’amitié, d’éternité.

En parlant d’amitié, parmi les personnages du roman, on retrouve aussi Thomas Braichet, dans sa période parisienne de l’atelier place Dalida – ça ne veut peut-être rien dire pour vous, mais pour nous, ça veut dire, beaucoup, voilà.

Nous en sommes à la relecture/corrections avec Alain. Ce Matamore n°29 ci sera un peu différent du Matamore n°29 de 2008. Parce qu’Alain a choisi de modifier son texte, mais aussi parce qu’on a décidé d’adapter certains termes propres au français du Québec au français de par ici. C’est subtile et c’est un travail absolument passionnant, pour moi, de sonder la langue et ses usages, de découvrir comme des instantanés historiques dans la grande province, des traces de patrimoine oubliés dans l’hexagone. Et surtout, comme toujours, le dialogue qui s’instaure ainsi avec l’auteur, qui fait, donc, proliférer son Matamore.


La maquette est déjà commencée sur XPress, avec une police Minion, une très belle garalde qui a aussi le mérite de posséder de nombreuses variations en display, black, bold, semi-bold, italiques, SC (c’est-à-dire petite cap.)… fort utiles pour le texte, comme vous pourrez le constater. J’avais lorgné tout d’abord sur la fonte Kennedy, bien évidemment – puisque le président apparaît dans le texte… – mais elle n’a pas la plasticité du Minion, hélas. Je tempère donc mes délires cratyliens cette fois-ci…

J’ai aussi passé un ptit coup de Prolexis, surtout, évidemment, pour éliminer les problèmes de mauvaises espaces typographiques… Car, comme vous pouvez le constater sur l’image illustrant ces quelques lignes – et ça me fait toujours bêtement rire, l’aveuglement des logiciels –, Prolexis est resté assez perplexe devant le vocabulaire employé.

Présentation et couverture arrivent bientôt : c’est Marion Pannier – qui avait déjà réalisé pour Laureli les couvertures de Ida ou le délire d’Hélène Bessette et des Carcasses de Raymond Federman – qui planche dessus…

Photo d’Alain Farah © F.Duchesne.

mardi, mai 18, 2010

Le rouge et sa claque

On vous a déjà dit tout le bien qu’on pensait de la revue Rouge déclic ici – à la sortie du numéro 0. Et comme Noël peut arriver au printemps, eh bien voilà, on est dans le sommaire du numéro 1 – paru en mars dernier – et on est bien content d’avoir eu un prétexte pour revoir The Party et passer quelques week ends à retourner le problème dans tous les sens : comment diable écrire un texte à partir d’une telle sublimité cinématographique ? (Je sais, ô écrivains en séries qui lisez ces quelques lignes, ça a pu également être une difficulté pour vous… Et je vous ai répondu : « Hey, t’inquiète, tu vas y arriver, j’ai confiance… » Je n’en ai pas moins conscience, je vous rassure...)


J’ai donc choisi de revoir le film sous un angle purement chorégraphique et de réentendre les phrases de Hrundi V. Bakshi un peu comme il les prononce, mot par mot, avec une charge musicale intense. Je ne suis pas sûre que cela soit vraiment perceptible dans mon « Sugar me »… Mais en tout cas, voilà une clef.


Vous lirez également dans ce numéro des textes de : Didier da Silva, Bertrand Schefer, Valérie Mréjen, Alessandro Mercuri, Claro, Laure Becdelièvre, Daniel Cabanis, Joseph Moncure March, Henri Calet, David Bosc, Jean-François Magre, Éric Pessan, Alain Giorgetti, Guillaume Boppe – cités par ordre d’apparition – et pourrez découvrir des dessins de Abdelkader Benchamma ainsi que des photographies de Philippe Lebruman. Le tout pour 6,50 euros, avouez que c’est cadeau.


L’autre bonne nouvelle de ce billet, c’est qu’une soirée de présentation de ce numéro aura lieu demain, mercredi 19 mai, à la librairie Le Comptoir des mots, 239 rue des Pyrénées, dans le XXe arrondissement, à Paris (métro Gambetta), à 20 heures. Vous pouvez télécharger le flyer ici. Et surtout, vous radiner au Comptoir.

jeudi, mai 13, 2010

La rentrée Laureli, 1/3 : Chants magnétiques

Et nous voilà, de deadline en deadline, de réunion commerciale en réunion commerciale et d’instruction de mise à l’office en instruction de mise à l’office, depuis plusieurs semaines déjà, en pleine préparation intense de « la rentrée littéraire ». D’où mon silence relatif par ici, inversement proportionnel à ma surchauffe, ailleurs.

Chez Laureli, trois livres à paraître, et j’en fais la roue en solo devant mon pack Adobe, tellement j’en suis fière :

Matamore n°29 de Alain Farah, à paraître le 1er septembre : le livre était déjà paru il y a deux ans au Quartanier, mais sans grande diffusion, hélas, par ici – tout comme j’ai toutes les peines du monde à faire diffuser Laureli au Québec… Du coup, avec Éric de Larochellière – éditeur du Quartanier –, on a décidé de procéder autrement. Comme nous admirons mutuellement nos catalogues, eh bien, nous allons en publier certains auteurs. Donc, très prochainement, CIVIL de Daniel Foucard, au Quartanier. Et Matamore n°29, donc, de Alain Farah, chez Laureli. J’en avais parlé ici au moment de sa sortie – enfin, pas mal de temps après, avec mon retard de lectures habituel, quoi. C’est, pour moi, un livre majeur, et un auteur majeur. Alain Farah passera une dizaine de jours à Paris au moment de la sortie du livre, l’occasion pour vous, lecteurs, journalistes, de le rencontrer lors d’événements que je suis en train d’organiser… je vous en tiendrai bien évidemment au courant ;

Chants magnétiques de Claire Fercak & Billy Corgan, à paraître le 15 septembre ;

Écrivains en séries « saison 2 », encore plus épais que la « saison 1 » ! à paraître le 20 octobre.

(Toutes les fiches de présentation seront bientôt en lignes ici.)


Je suis en pleine maquette de Chants magnétiques de Claire Fercak & Billy Corgan. Une belle aventure que celle-là. Oui, ce Billy Corgan, c’est bien le Billy Corgan des Smashing Pumpkins. Claire l’a rencontré en écrivant son livre The Smashing Pumpkins: Tarantula Box Set (Le mot et le reste, 2008), et l’idée de ce duo d’écriture est né. Il faut préciser que Billy est également écrivain. Il a publié aux États-Unis : Blinking with Fists (Faber and Faber, 2004), un livre de poésie qui a figuré sur la liste des best sellers du New York Times – ça mérite quand même d’être souligné, c’est pas si courant pour un livre de poésie… Nous nous sommes ensuite vus tous les trois, et Billy n’a pas été horrifié par mon anglais supra dégueulasse – j’ai un pote qui m’a dit que je ressemblais à Louis de Funès quand je parlais avec des Américains, parce que je mime les deux tiers des trucs… Alors, vous imaginez ce que ça peut donner quand il s’agit d’évoquer des termes d’édition précis…–, on s’est découvert pas mal d’addictions littéraires et musicales communes, j’ai été sidérée par son extrême douceur, sa simplicité… Il m’a même donné des conseils de composition musicale… Bref, une vraie belle rencontre, un trio d’affinités, et voilà ces Chants magnétiques, deux récits qui se répondent : Écho la nymphe déchue que ses bavardages ont transformé en phénomène sonore, désincarné, tragiquement amoureuse de l’inaccessible Narcisse. Médée la magicienne meurtrière qui, répudiée par Jason, saura inventer des armes barbares pour assouvir sa vengeance.

Estelle Degez a effectué une traduction préparatoire du texte de Claire en anglais pour que Billy ait accès à toutes ses subtilités. Nathalie Bru a ensuite traduit le texte de Billy Corgan en français, pour le livre.

L’image de couverture que vous découvrez ici a été réalisée par Danny Steve – à qui j’avais précédemment fait appel pour Écrivains en séries « saison 1 »… et qui créera aussi la couverture de la « saison 2 » – qui a également dessiné deux illustrations intérieures, avec la même technique mais en noir et blanc. J’en suis très fan car je trouve qu’elle arrive à tenir l’exacte ambivalence exprimée dans le livre, avec sa base de lumière et son ciel de chair, les yeux creux de ses nymphes : la cruauté/la tendresse, le désir/l’effroi… J’ai gardé ma fonte de titrage habituelle, Peignot, mais en la « vaguelisant » pour ne pas trop heurter le dessin de Danny et garder la sensation de mouvement.

La question de la fonte intérieure coulait de source : une garalde, bien évidemment. De l’empattement cristallin, de la larme légère. J’ai finalement opté, en bonne cryptocratylienne, pour Centaur. Et puis fait mumuse avec les quelques appels de note présents dans le texte de Claire, aussi. Comme ils se réfèrent tous aux Métamorphoses d’Ovide, j’ai opté pour l’ornemental davantage que pour une efficacité académique. Pour le texte de Billy, j’ai carrément fait péter la lettrine qui, à mon sens, s’accorde bien à son ambiance de conte noir… Voilà, maintenant que vous avez un vague aperçu des coulisses, vous n’avez plus qu’à découvrir le livre – vous en avez de la chance ! – chez votre libraire préféré, le 15 septembre.

lundi, mai 03, 2010

« Il semble que devenir fou soit la seule alternative qu’il reste…

… à ceux qui ont le mauvais goût de ne pas s’éclater comme des bêtes dans cette pouponnière qu’est devenue l’Occident. »


Dans le nouveau Chronic’art (#65, mais 2010), j’ai eu la bonne surprise de lire – outre l’article consacré à Kathy Acker – un entretien avec Sacha Ramos, l’auteur de l’excellent Complot des apparences, paru aux Éditions Léo Scheer en janvier dernier.

Aux Éditions, on a la chance de voir Sacha de temps en temps – il vit à Rome – et d’être charmés par son mélange tout à fait personnel d’érudition et de fantaisie. Vous, moins, forcément… Alors, voici un court extrait de l’entretien, ça vous donnera une idée :

« Romaric Sangars : L’individu aussi pose problème, à vous lire…

Sacha Ramos : Oui, parce que ne pas désirer exactement ce que désire l’immense majorité de vos congénères, c’est mal. Considérer que votre sexualité ne regarde que vous, et que celle de votre voisin ne vous regarde pas, c’est mal. Préférer la viande rouge aux machins macrobiotiques, la cigarette à la méditation en plein air, la torture à Internet, l’art d’hier (et de toujours) à l’art contemporain, c’est mal. Bref, être un individu, c’est être une personne qui ne met pas son espoir de salut entre les mains de la désormais sacrosainte collectivité bisounoursienne, et c’est mal. En finir avec l’individu, c’est en finir avec le mal. C’est le bien. La société moderne n’a qu’un seul but : devenir la société du bien, à n’importe quel prix. Autrement dit, devenir l’île aux enfants. Casimir et Bisounours sont les véritables nouveaux modèles du nouveau genre humain, et Walt Disney son théoricien de référence (avec Bourdieu, naturellement)… »

{Titre : Sacha Ramos : citation du même entretien avec Romaric Sangars, Chronic’art#65.
Photo de Sacha Ramos © Thierry Ratea.}

dimanche, mai 02, 2010

To be continued…

Je vous avais narré ici et les aventures d’Écrivains en séries « saison 1 ». Eh bien voici à présent : Écrivains en séries « saison 2 », à paraître le 20 octobre, plus bottinesque encore que le premier, avec 102 auteurs et 135 séries – ces chiffres sont susceptibles d’évoluer encore un chouilla dans la semaine qui vient.

J’ai heureusement appris de mes trois semaines de bouclage cauchemardesques en février et mars 2009, j’aborde donc ce challenge de secrétariat de rédaction, correction, harmonisation, maquette, etc. avec une relative sérénité. J’ai bien dit relative, je finirai bien par céder à la panique à un moment ou à un autre – étant donné, n’est-ce pas, qu’il y a d’autres livres à faire, choisir, défendre, écrire…

L’essentiel, c’est quand même qu’avec Emmanuel Rabu – créateur du projet –, nous sommes plus que ravis : enthousiastes et euphoriques devant l’extrême qualité des textes reçus. Il faut dire que, comme pour la « saison 1 », on a bien soigné le casting.

Voilà déjà la liste des séries dont on parlera dans Écrivains en séries « saison 2 ». Pas de répétition par rapport à la « saison 1 », exception faite de quelques séries cultes et/ou dont de nouvelles saisons sont parues entre temps (Lost, The Wire, Mad Men) et/ou dont le traitement est très différent : texte/intervention graphique (Dexter, Derrick). Vous pourrez y lire des textes à la fois sur des chefs-d’œuvre intemporels (Le Manège enchanté), sur des séries symbolisant ce qu’on s’est accordé à appeler le « nouvel âge d’or des séries » (Les Soprano) ou encore sur de toutes nouvelles séries de grands réalisateurs (Treme). Coming soon : la couverture de Danny Steve – qui avait réalisé la couverture d’Écrivains en séries « saison 1 » –, la liste des auteurs et une page de présentation, concoctée par Tony Lesterlin, sur le modèle de celle-ci (créée pour la « saison 1 »).

Les 4400 (The 4400) ; 90210 Beverly Hills : Nouvelle Génération (90210 (next gen)) ; Alerte à Malibu (Baywatch) ; Alfred Hitchcock présente (Alfred Hitchcock Presents) ; Alias ; Angels in America ; En analyse (In Treatment) ; Aqua Teen Hunger Force ; Arabesque (Murder, She Wrote) ; Les Arpents verts ; Astro Boy ; Au cœur du temps (The Time Tunnel) ; Au nom de la loi (Wanted: Dead or Alive) ; Les Aventures de Saturnin ; Baby Cart (Kozure Ōkami) ; Baretta ; Battlestar Galactica ; Beavis and Butt-Head ; Berlin Alexanderplatz ; The Big Bang Theory ; A Bit of Fry and Laurie ; Bones ; Bored to Death ; Breaking Bad ; Les Brigades du Tigre ; Californication ; Candy ; La Caravane de l’étrange (Carnivàle) ; Cashmere Mafia ; Chapeau melon et bottes de cuir (The New Avengers) ; Chateauvallon ; Les Chevaliers du Zodiaque (Saint Seiya) ; ChiPs ; Les Cinq dernières minutes ; Clara Sheller ; La Cloche tibétaine (Die Gelbe Karawane) ; Le Club des Gentlemen (The League Of Gentlemen) ; Le Commissariat de Tampy ; Conrad ; The Corner ; Coronation street ; Cosby Show (The Cosby Show) ; Cosmetic Paradise ; Cowboy Bebop ; La Croisière s’amuse (The Love Boat) ; Daktari ; Damages ; Derrick ; Deux flics à Miami (Miami Vice) ; Dexter ; Docteur Who (Doctor Who) ; Dollhouse ; Dream on ; Dr. Horrible’s Sing-Along Blog ; Duas Caras ; Dynastie (Dynasty) ; Edge of Darkness ; Entourage ; Les Envahisseurs (The Invaders) ; L’Equipée du Pony Express (The Young Riders) ; Faites entrer l’accusé ; Ma famille ; La Famille Addams (The Addams Family) ; Femmes$ de Footballeurs (Footballers’ Wive$) ; France tour détour deux enfants ; Freaks and Geeks ; Friends ; Fringe ; La Fureur dans le sang (Wire in the Blood) ; Gabriela ; Goldorak (Yūfō Robo Gurendaizā) ; Gossip Girl ; Les Griffin (Family Guy) ; Haine et Passion (Guiding Light) ; Happy Tree Friends ; Hartley, cœurs à vif (Heartbreak High) ; L’Homme qui valait trois milliards (The Six Million Dollar Man) ; L’Hôtel en folie (Fawlty Towers) ; How I Met Your Mother ; Les Insatiables ; The IT Crowd ; Jinny de mes rêves (I Dream of Jeannie) ; John from Cincinnati ; Journal intime d’une call girl (Secret Diary of a Call Girl) ; Kadi Jolie ; Kaamelott ; Kojak ; Kung Fu ; Life ; Lost ; I Love Lucy ; The L Word ; Mad Men ; Mafiosa ; Maigret ; Le Manège enchanté ; Mannix ; M*A*S*H ; MillenniuM ; Monk ; Monsieur Manatane ; Mushishi ; Les Mystères de l’Ouest (The Wild Wild West) ; NCIS : Enquêtes spéciales (NCIS) ; Une nounou d’enfer (The Nanny) ; The Office ; Pépin la bulle ; La Petite maison dans la prairie (Little House on the Prairie) ; Peyton Place ; Profit ; Le Renard (Der Alte) ; Six Sexy (Coupling) ; Skins ; Les Soprano (The Sopranos) ; Starsky & Hutch ; Star Trek ; Super Jaimie (The Bionic Woman) ; Superjail ; Sur écoute (The Wire) ; Les Télétubbies (Teletubbies) ; Les Têtes brûlées (Baa Baa Black Sheep puis Black Sheep Squadron) ; Thierry la Fronde ; Treme ; True Blood ; United States of Tara ; Urgences (ER) ; The Vampire Diaries ; Vidocq ; La Vipère noire (Blackadder) ; Walker, Texas Ranger ; Wallander ; Wonder Showzen ; Wonder Woman ; X-Files : Aux frontières du réel (The X-Files) ; Zorro.

mercredi, avril 21, 2010

Rien n’aura eu lieu que le je

Le 12 mai, chez votre libraire adoré – embrassez-le de ma part – vous pourrez acquérir Je de Rémi Marie. Et vous avez une sacrée chance d’avoir la perspective de lire ce texte sublime, tout comme j’en ai une pas négligeable non plus de le publier, c’est-à-dire de l’avoir lu et relu, corrigé, composé et échangé moult emails avec son auteur. Tout cela, bien sûr, avec l’aide d’Aurélie Carpentier, toujours en stage chez nous.

J’avais lu des extraits de ce texte dans la revue Nioques. Je suis tombée sous le charme de cette écriture si simple, si dénudée et donc – et pas « pourtant » – si profonde, si juste.

Je pourrais vous en faire des périphrases… mais je préfère vous laisser faire l’expérience de sa lecture, ce livre étant, par définition, impossible à résumer. M’enfin, allez, un bout de la pré quatrième de couv : Lancé dans le monde, « Je » découvre, rencontre, respire, aime et c’est si facile, marche, lit, regarde, habite à Vienne, écrit, parle, pense, aime et c’est si difficile, vit en colocation, traduit, écoute de la musique, fait la cuisine, roule à vélo, prend le tram, aime.

Un récit où l’on découvre toute la simple complexité d’une subjectivité qui s’énonce comme en balade ou en dissection, allant toujours plus loin dans l’ego pour en annihiler l’insupportable emphase et dessiner le squelette fragile des affects, des désirs. Un moment d’émotion et de vérité porté par une langue rythmée, évidente.

L’image de couverture a été réalisée par l’auteur, qui œuvre aussi dans le monde de l’art contemporain. Elle est comme un cadre dans le cadre, décentré, déplacé – en réponse à ce « je » si central – et répète le choix habituel de la quatrième de couverture, dont le texte est toujours encadré par un filet coloré ou pas – cela dépend du choix de la couleur de titrage ou des teintes dominantes de l’image de première – en forme de « L ». Il y a des angles, des équilibres, et en même temps ça bouge, ça glisse un peu. ça suit la chute, si tranquille, figée dans son éternité, du personnage stylisé.

Pour l’intérieur, j’ai choisi la fonte Memento, qui me semble un bon compromis entre la linéale qu’avait utilisée l’auteur pour son manuscrit – mais dont les angles me semblaient trop coupants pour ce texte… – et les garaldes que j’emploie d’habitude. Autre originalité : le texte est ferré à gauche – pas justifié, quoi –, ce qui correspond bien à sa marche à la fois pensive et résolue. Du coup, eh bien les folios sont ferrés à gauche aussi et flottent différemment sur la page. Enfin, vous verrez ça.