dimanche, octobre 29, 2006

Hubaut re-mix

« Perturbation nourricière, contaminante, dérangeante, politiquement incorrecte et révolutionnaire, la planète Hubaut constitue un monde à part tout en étant partie prenante du monde. Joël Hubaut en donne ici un texte à voir et à lire, à sucer colonne après colonne comme autant de bonbons au poivre qui s’ouvrent à chaque page dans le délice de la découverte d’une nouvelle machination de l’artiste. Mixées ces pages le sont à l’extrême, refusant la catégorisation et la chronologie, elles reprennent dans un désordre construit – désordre de celui qui n’a ni repère géographique ni repère idéologique si ce n’est celui de la démesure, de l’improbable et de la dispersion – un engagement de tous les instants dans la pensée artistique. Rhizomiques, elles tissent le réseau de la prise de position de l’artiste sur la scène de l’art ou de la vie. Un texte en écho à un engagement total sous les masques de la performance, de l’installation, de la poésie, du concert, du texte automatique, du banquet, de la peinture, du dessin, du remue-ménage et de la récréation. »
(Sylvie Froux, introduction à Joël Hubaut Re-mix épidémik Esthétique de la dispersion).



Le livre consacré à Joël Hubaut publié par Les Presses du réel dans la précieuse collection de Michel Giroud, L’écart absolu – qui porte bien son nom – est à consulter d’urgence. Peu d’œuvres expriment de façon aussi impérieuse la liberté sans dogmes, le refus des genres et des limites, l’évidence d’une œuvre essentielle, répandue sous toutes ses formes comme une épidémie excentrique.
Les quelques images montrées ci-dessus n’en sont pas tirées – défaut de scan oblige – mais sont simplement des traces trouvées sur le réseau ; le livre quant à lui regorge de documents inédits, de pièces, de photos…

« La Bicyclette des avant-gardes usées, 1989.
Bicyclette trouvée et ensevelie naturellement dans la végétation pour absorber les mauvaises herbes puis préparée et modifiée par un magnétophone-guidon diffusant une bande-son à chaque coup de pédale. De la roue de bicyclette comme ready made à la bicyclette fonctionnelle de Beuys pour s’évader du musée… je propose une bicyclette potiche au rebut mais bavarde et amplifiée, un rébus pour pédaler dans la choucroute tel un néo-sur-mâle digne d’Alfred Jarry ! Il s’agit là en effet d’un vélo-poubelle pour les encombrants, une ruine en roue libre et transformable en dada. Après tout, c’est dans le recyclage que chaque élément prend véritablement tout son sens. Une bicyclette transformée en cheval de TROIE devient une monture off pour une autre chevauchée, car cette monture est comme une plante… of course ! Ma bicyclette, transformée en cheval-plante pour que je devienne une amazone dans le grand manège sociétal qui tourne en rond ! Yé ! J’aurais pu évidemment grimper sur un camélia, éperonner un cactus, une mandragore… mais la bicyclette me paraissait plus juste pour dérailler dans cet esprit picaresque et me faufiler à l’aise en pédalant dans l’entrisme en roue libre gênée… » (p. 171)

« … L’épidémik, quelque forme qu’il adopte, marche en ce sens : désorganiser, produire une contre-partition, faire état du mix irréductible des vies contemporaines. Mais sans pathos, cependant. De là, cette caractéristique du Hubautwork : la propension à faire rire, la pulsion à la joke, la dimension ludique… Mais l’esprit épidémik, quoique volontiers clownesque, est redoutable, forme rusée de dépeçage symbolique… Cet art épidémik qui devait désorganiser pour finir, au niveau de la vie publique, reconstitue. Un paradoxe ! Cet art dont on eût pu attendre qu’il égare, dissémine, disperse, tout compte fait, réunit… » (Paul Ardenne, extrait de Hubaut-Théorik – ici p. 175).

+ le site de Joël Hubaut, épidémik et agité jusqu’au bout des liens hypertextes…

& calendrier d’action ici !

samedi, octobre 28, 2006

Post autisme – please, beam me up…

« — Ce n’est pas ton genre, tout ça.
¬— J’essaie de ne pas avoir de genre, même pas le masculin et surtout pas le singulier. »
Jean-Jacques Schuhl, Telex n°1

Ya des moments comme ça, où l’on se sent comme si on vivait dans une machine à laver bloquée au stade essorage 1200 tours, avec le cerveau qui tourne dix fois plus vite encore, à la recherche d’une cohérence, d’une analyse un tant soit peu logique de la situation – d’où le retour de Zomig et de Biprofénid, d’ailleurs, mais la somatisation est une autre histoire…

S’il y a pourtant bien quelque chose que je déteste, ce sont les poses alarmistes, cul sur la guérite à beugler des prophéties tissées de tristes constatations d’époque du genre : c’est la chienlit/la panade/la zone/la merde/la récession/la débandade… Eheu, Eheu. La plainte, la nostalgie. Néanmoins, force est de constater que ça commence à dauber sévère, au-delà du pourri, pas plus loin que dans notre minuscule royaume à ISBN. Les mutations ne se font pas sans mal, sans doute. Et ce n’est pas la comédie imminente des prix à pots-de-sancerre/poutous mondains qui saurait nous rassurer. Certes, c’est un lieu commun de dire que dans le milieu de l’édition, tout le monde crie au loup depuis que le papier et l’encre se sont rencontrés. Mais ce coup-ci, structurellement, c’est une première puisque tous, t-o-u-s les secteurs du livre sont en crise et que l’espace de l’expérimentation, de l’édition créative, se restreint comme peau de chagrin jusqu’à devenir une utopie dans un système de distribution formatée pour les produits à potentiel de vente conséquent. (Évidemment, de nombreux éditeurs dits « expés » se créent sans cesse, mais sont-ils visibles ? correctement diffusés et distribués ?)

Je n’analyserai pas les choses chapelle par chapelle car je ne suis pas en mesure de le faire et surtout que je n’ai pas envie de passer la nuit à modérer 45 commentaires – en pleine saison 2 de Dead Wood ? impensable – mais il y a trop de fins en ce moment pour qu’on n’en soit pas atteints et surtout qu’on ne ressente pas la nécessité de penser, de toute urgence, la situation.

Il faut dribbler ce système par tous les moyens que notre imagination pourra inventer, sinon dans quelques années, on va se réjouir que Christine Angot trouve encore un éditeur dans un monde de livres hideux en corps 14, imprimés à Taiwan par des enfants mutilés, portant en quatrième de couv une pub pour Starbuck Coffee ou H&M, vendus entre les rayons condiments/épices et essuie-tout – z’imaginez le cauchemar ?

Cette édition-fiction un peu glauque pour dire que c’est sans doute le moment de s’alarmer un peu… pas de s’armer contre les moulins, bien sûr, on ne peut rien contre un courant charrié par le cynisme et l’argent. Mais de dénicher les interstices et se concentrer sur l’essentiel : la création, l’écriture, la médiation entre l’écrivain et ses lecteurs ; et peut-être d’initier quelques réflexions collectives, affinités par affinités. ( ?)

Damned, ce n’est pas mon genre, tout ça (chanter comme une sirène d’ambulance, prendre la pose du guetteur, donner des conseils, beurk). Nécessité ferait loi ? J’essaie de ne pas avoir de genre, etc.

vendredi, octobre 27, 2006

Les rimes en –ar (comme dans marre) du jour

criard
arrhes
épar
poupard
salopard
accapare
compare
dépare
désempare
empare
prépare
rempare
sépare
repars
départ
faire-part
avatar
racontar
star
retard
lascar
bécard
placard
contrecarre
loubar
malabar
bobard
flambard
jobard
barbare
rembarre
radar
standard
hagard
ringard
blafard
cafard
soiffard
effare
fanfare
froussard
poissard
cabochard
pleurnichard
revanchard
richard
bavard
nanar
caviar
cauchemar

jeudi, octobre 26, 2006

… pause – oui, oui, je sais… – mais c'est pour les bonnes causes

mercredi, octobre 18, 2006

Viva Abel Blackbush





Juste pour retransmettre l’alerte-info de François Bon - dont d'autres font largement écho. On a beau savoir que ce n’est qu’un aurevoir – on n’en finit pas, comme ça, avec l’indocilité – , on en a un peu marre du principe de réalité qui s’acharne dans notre petit secteur de bouffeurs de livres... Et puis le cœur lourd, bien sûr, stories, souvenirs-souvenirs, cartons innombrables, salons improbables, lectures, performances, heurts, sentiments. al dante is al dante is al dante - & will be ! Alors on a hâte de découvrir les prochaines aventures menées par Laurent Cauwet et, oui, courez chez votre libraire ! avant qu’il ne se transforme en G20, StarbuckCoffee, H&M ou Kebab – selon les quartiers.

mercredi, octobre 11, 2006

Lille > Paris



« 5600 signes la pipe
16800 l’amour»
(Éros Peccadille)

Virginie Despentes, dans King Kong théorie, écrit de son point de vue de femme « plutôt King Kong que Kate Moss », de l’épaisseur d’affects et de vies de femmes réelles, non sublimées ni retouchées sur Photoshop. Elle parle de l’infériorité de la femme dans la société, du viol et de sa valeur tribale, de la prostitution, du porno… bref, elle met très intelligemment les pieds dans le plat à travers une analyse à la fois limpide, étayée par son histoire (elle n’allait pas autofictionner avec des clémentines et des clefs tartes à la crème, tout de même), et très documentée.

Et je dois avouer que c’est le premier de ses livres que j’arrive à finir sans être heurtée par une langue qui m’ennuie en général à mourir, par manque d’invention, rythme et métaphores convenues, etc. Enfin, cela a à voir avec mon incapacité chronique à lire un certain type de romans – que Bessette appelerait la « littérature-lecture ». (C’est un peu comme les films pornos : il y a des choses qui fonctionnent, ou pas, sur les spectateurs… moi, le roman-roman et l’uro-scato, bof…) Mais ici, la forme n'a pas le même impact ; elle est bien adaptée à une prose qui recherche l’efficacité en n’évitant pas d’appeler un chat un chat. Nous sommes dans l’espace de la réflexion et du débat public, pas dans la fiction.

« La première fois que je sors en jupe courte et talons hauts. La révolution tient à quelques accessoires. (…) Vous n’avez rien changé mais quelque chose au-dehors a bougé et plus rien n’est comme avant. (…) J’ai tout de suite aimé l’impact que ça me donnait sur la population masculine, avec le côté exagéré, limite grosse farce, changement de statut notoire. J’étais alors une meuf quasiment transparente, cheveux courts, baskets sales, brusquement je devenais une créature du vice. Trop classe. Ça faisait penser à Wonder Woman qui tournicote dans sa cabine téléphonique et en ressort en superhéroïne, toute cette affaire, c’était marrant. Mais j’ai aussi tout de suite craint cette importance, justement, qui dépassait mon entendement, mon contrôle. L’effet que ça faisait à beaucoup d’hommes était quasiment hypnotique. Entrer dans les magasins, dans le métro, traverser une rue, s’asseoir dans un bar. Partout, attirer les regards affamés, être incroyablement présente. » (p. 68)

C’est particulièrement drôle de lire cet extrait quand on a choisi (dans une période plutôt jeans, cuir, talons plats) de passer deux jours en minijupe/bottes, entre Lille et Paris. Parce que c’est effectivement tout à fait ça. Une femme, le matin, sait en quoi elle peut se déguiser. En truc transparent qui n’a pas envie de croiser des regards. En savant mixage de féminité et de bas-les-pattes. Ou en proie lâchée dans la jungle. « Comme si personne n’avait prévenu {les hommes} que le Père Noël ne passera pas : dès qu’ils voient un manteau rouge ils courent en brandissant la liste de cadeaux qu’ils voudraient voir sous la cheminée. » (p. 77) Après, on peut jouer de son statut de proie en brouillant les codes – regard dur, attitude violente contredisant le nombre de centimètres de la jupe, par exemple. On est vraiment dans le domaine de la parade. Bref… Virginie Despentes s’appuie sur des expériences très concrètes et quotidiennes pour construire une théorie féministe qui agit comme un révélateur des absurdités de notre époque avilissante : la définition du « féminin » (à roses et fleurs avec supplément soumission), l’attribution (subalterne) du rôle des femmes dans la société, la condamnation de la prostitution et du porno, etc. On peut de délecter sans modération de chaque passage retournant la rhétorique masculine comme une crêpe… Allez, je ne résiste pas, j’en cite un nouveau passage (p. 126-127) :

« Quand vous devenez une fille publique, on vous tombe dessus de toutes parts, d’une façon particulière. Mais il ne faut pas s’en plaindre, c’est mal vu. Il faut avoir de l’humour, de la distance et les couilles bien accrochées, pour encaisser. Toutes ces discussions pour savoir si j’avais le droit de dire ce que je disais. Une femme. Mon sexe. Mon physique. Dans tous les articles, plutôt gentiment, d’ailleurs. Non, on ne décrit pas un auteur homme comme on le fait pour une femme. Personne n’a éprouvé le besoin d’écrire que Houellebecq était beau. S’il avait été une femme et qu’autant d’hommes aient aimé ses livres, ils auraient écrit qu’il était beau. Ou pas. Mais on aurait connu leurs sentiments sur la question. Et on aurait cherché, dans neuf articles sur dix, à lui régler son compte et à expliquer dans le détail ce qui faisait que cet homme était aussi malheureux, sexuellement. On lui aurait fait savoir que c’était sa faute, qu’il ne s’y prenait pas correctement, qu’il ne pouvait pas de plaindre de quoi que ce soit. On se serait foutu de lui au passage : non mais t’as vu ta gueule ? »

Sans rien dévoiler de la King King théorie finale (une réconciliation transgenre sans belle ni bête), je conseille vraiment cette lecture d’utilité publique – détail esthétique : en enlevant néanmoins l’horrible jaquette (mais je suppose que le genre doit être commercialement efficace)...

{ Et puis parenthèse bibliographique adressée à V. D. (via blogueurs/ses ?) concernant la page 43 (sur le manque de livres…), cf. Marie-Laure Dagoit, Et les lèvres et la bouche, 2002. }

vendredi, octobre 06, 2006

Poésie cœur de cible


Poésie cœur de cible
Vidéo envoyée par laurelimongi
Lettre à Julien Blaine, publiée dans la revue Doc(k)s - écrite en janvier 2006.