samedi, décembre 31, 2005

Trouver la bonne coupe

{lectures texturisantes}

« _ La divergence des significations que peuvent prendre les coiffures oblige à bien réfléchir avant de se mettre à natter. À cause de ma texture et de ma forme de cheveux, j’ai déjà pour ma part rencontré ce problème de contresens dans l’interprétation de mes nattes. Colonne constat : “Cuir souple et mobile, racine bien irriguée, cheveu dense en bonne santé.” Justement, j’ai beau les faire tenir avec de vrais animaux en peluche achetés dans la vraie solderie, ces nattes réalisées à partir de cheveux trop abondants et implantés trop bas n’obtiennent pas la légèreté voulue. Colonne alerte : “Risque de confusion de ces nattes dans l’esprit d’Aragon avec les nattes autoritaires des Mexicaines dans les fractions matriarcales de la société, qui se portent debout devant un empilement de parpaings, une bière à la main.”
(...)
Un jour, j’ai attendu un très long moment dans un fauteuil de salon de coiffure avant que la coiffeuse puisse s’occuper de moi. (...) Comme je n’étais là que pour une simple coupe, je ne nécessitais pas de longue discussion. Tout le débat technique se concentrait au bac de teinture où une cliente faisait l’inventaire des couleurs du nuancier. Avec la complexité des tableaux peints, le nombre d’heures passées en discussions techniques s’est multiplié dans les salons de coiffure, la mention coloriste se rapproche du métier des imprimeurs ou de la peinture classique : dégradés, glacis, transparences, invention colométrique. Au bac de teinture, plusieurs coiffeuses faisaient lentement tourner le nuancier autour de la tête de la cliente : peu de mouvements, beaucoup de réflexions. Hors du débat, dans mon fauteuil contemplatif, j’assistais à une sitcom très lente proche du butô, une sitcom à très haut niveau technique. » *

« ... Je suis passé plusieurs fois devant la vitrine pour y jeter un regard inspectif sans donner aux deux blondinettes l’occasion de préparer par avance le petit discours réconfortant que tout coiffeur vaguement charitable sert à la, certes antithétique, catégorie chauve de sa clientèle. (...) la coiffeuse qui s’approche de moi et que je vois dans mon dos nous considérant tous deux comme dans le cadre d’une scène de genre, maintenant relevé frais frictionné du bassin de shampooing et assis droit face à la grande glace, doit certainement penser je vois que vous vous livrez à une étroite observation scientifique, vous avez délimité sur votre tête la plage bien nette d’une conscience réfléchie, mais n’en dit rien.
Elle me demande seulement à quelle hauteur régler la lame de son rasoir, de toute façon pour ce qui reste, dis-je avec l’espoir d’attirer une consolation inédite, et la blondasse de murmurer sur un ton de déploration, tout en réglant la coupe sur 2 cm, oui en effet. Puis elle ne prononce plus un mot et s’exécute méthodiquement. Je lui adresse quelques sourires lorsque sa concentration marque un temps et que nos regards se rencontrent, mais sans doute veut-elle juste évaluer l’effet du rasage en fronçant les yeux, tentant d’imbriquer l’ovale visage dans la caisse crâne, mon sourire signifie ça n’a pas d’importance n’est-ce pas l’ampleur obscène de ma peau nue sur ma tête, car j’ai la capacité de me tenir tout entier dans ma bouche. » **

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*Emmanuelle Pireyre, Comment faire disparaître la terre ? (Le Seuil, Fiction & cie.)
** Éric Meunié, Auto Mobile Fiction, (P.O.L.)

vendredi, décembre 30, 2005

:: extrait

… On songe à un drôle de forum en devenir peuplé d’écrivants jonglant avec leurs avatars, leurs narrations, leurs énonciations, histoire d’en finir une fois pour toute avec la perruque littéraire poudrée posant dignement ses fesses sur un fauteuil acajou numéroté, derrière un bureau assorti, décoré à la feuille d’or du même numéro. Ici, on milite pour la fibre naturelle ou carrément la teinture fluo et les cheveux en pétard, tout sauf le feuilletage historique formel qui n’en finit pas d’imposer ses lieux communs même plus anxiolytiques depuis l’invention du Xanax.
La notion de génération reprendrait alors sens, enfin, sérieusement manipulée génétiquement (du vert fluo à l’organe prothétique). Non plus l’avant-garde (je crois qu’on aura compris que cette métaphore militaire a suffisamment été portée pour mériter ses articulations élimées et rentrer gentiment au placard du grenier) mais une panoplie d’entités variées avec regards singuliers, écritures très contrastées, goûtant au « je » du bout des lèvres, rhabillant le personnage à la mode de l’épouvantail ou du portemanteau, ne suivant pas les petits cailloux blancs du joli chemin du roman, préférant l’originalité à l’efficacité, la flânerie aux trajets les plus court, la boucherie à la pâtisserie (sans en faire un mot d’ordre, sinon...), excédant le champ du littéraire vers ce qui pourrait constituer un horizon artistique sans notion de « noblesse » de thématique ou tout un tas de simagrées du même tonneau (c’en est fini des fûts de chêne (il n’y a guère que pour le vin que l’on puisse le regretter)…

mercredi, décembre 28, 2005

Christmas & beyond...



(trop de crème tue la crème

pentes enneigées-vanille

crème anglaise des familles

le tout à digérer, bien sûr)

jeudi, décembre 22, 2005

« La photographie de l’automobile prise par son conducteur même »



... Se présentant – ayant à se présenter – Éric Meunié révèle l’importance de la photographie dans son écriture. Livres publiés aux Éditions Créaphis, liés à la photographie : Deux étincelles, tes aïeules, Du Temps mort, Surimpression. Mais surtout la notion de « photographie cérébrale du texte d’un fait-divers », incarnée précédemment par « le bac tue » paru dans Libération en 1983, transmuté (écrit) en L’enseignement du second degré en 1993 : « Le second degré de l’enseignement donne l’accès souterrain de la gare de Fosses, tel que négligé par le Bachelier pressé de connaître ses résultats, et devenu la descente en terre du jeune homme, lorsque, traversant la voie, un train de marchandises le happe, qui transforme la mention de son bac en mention dans Libération. »

C’est donc par une évolution sensible du cliché et du temps de pose, qu’on retrouve des stigmates photographiques dans Auto mobile fiction, développant une myriade d’éléments spéculaires : photographie/miroir d’un moi en train de s’inspecter, dans la langue.

Vitres réfléchissantes et pare-brise de l’auto de location (auto mobile fiction), surface lisse de la mer, miroir de la coiffeuse varoise, regards, surfaces lustrées, souvenirs comme figés en cartes-postales dans la conscience... autant de « tropismes » qui ne se circonscriraient pas à un genre.

D’où : l’« album » d’Auto mobile fiction (les portraits, les paysages, les autoportraits, la mention des cadrages...) dont on entendrait presque les déclics – diapos de vacances –

versus

les « tirages » de la poésie d’Éric Meunié, moyens formats (« équations verbales ») accrochés sobrement en cimaises à la chaux, tranchants (l’« ordre universel »).

De la photographie au photographe, Pierre Molinier, cité de façon indirecte, en périphrase, comme enlevé, emprunté à lui-même dans une généalogie fantasmée : « Un vieillard sec {le grand-père} à belle allure qui assume sa dernière érection, évoquant ce vieux photographe autoportraitiste travesti qui portait presque le même nom que lui, voilà quel homme scandaleusement droit la vie aura déniaisé. » (p. 100)

L’ombre presque chinoise de Pierre Molinié au sein d’un « androgynat » de principe, et la famille étouffante comme un réseau veineux, détournée comme un réseau veineux pourrait l’être – en adéquation avec sa métaphore fluviale – jusqu’à sa réinvention par les mots (Francis Ponge n’est jamais loin) : « L’écran de l’automobile suffit à cadrer le déroulement de ces journées de vacances, prélevant quelque tableaux... » (p. 17)

Et tout finit en (auto)fiction...

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Auto mobile fiction, POL, janvier 2006.
Poésies complètes, Exils, janvier 2006.
(p. 102 : « La photographie de l’automobile retournée sur le toit, en noir et blanc, prise par son conducteur même... »)

mardi, décembre 20, 2005

Taxidermie de la peur



(de Stéphane Bérard)


Cher Père Noël,

Je n’ai pas été très sage et je hais ta putain de fête de dégueulage de fric qu’on n’a pas. C’est pourquoi je veux ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, et ça. Si rien n’est arrivé le 26, je crève les rennes.

Des bisous dans ta fausse barbe,

Laurette

samedi, décembre 17, 2005

Avec ou sans tatouages ?



Voilà donc les derniers blind bills.

vendredi, décembre 16, 2005

Denise ou François...







Pastiche rochien > Denis Roche, ellipses, laps et autres autoportraits // ou (et)
contre-plongée absurde – sans miroir

(mais) seul(e) – toujours au monde

Ou encore espèce de blog à bill (Charles de Zohiloff) dont le miroir et la mélodie auraient disparus ? (encore)

Avec Christophe Atabekian, lui, lui et encore lui, et encore... quelques blind bills hier, bientôt . Description minutieuse de photos (provenant du blog à bill de Zohiloff), avec tant de tatouages, tant de filles, tant de maquillage, tant de jeans taille basse, et toujours ma drôle d’incapacité à reconnaître une fille d’un garçon, parfois... à suivre...

mardi, décembre 13, 2005

«Nous sommes tous des romantiques allemands»

Wenn ich dich sehe KOMMA
Denke ich DOPPELPUNKT
Der Junge macht mir Kummer
Ich möchte PUNKT PUNKT PUNKT
Dass er mir sagt GÄNSEFÜSSCHEN
Bitte komm mit zu mir
Ja, wann denn FRAGEZEICHEN
Heute um PUNKT vier

Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön
Ausruf AUSRUFEZEICHEN KLAMMER AUF, KLAMMER ZU
Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön
Ich in deinen Armen, GÄNSEFÜSSCHEN und PUNKT

Heute um PUNKT vier
SEMIKOLON seh ich dich
Du wirst mich abholen
Dann machen wir BINDESTRICH
Du sagst zu mir GÄNSEFÜSSCHEN
Bitte komm mit zu mir
Wozu denn FRAGEZEICHEN
Es liegt allein an dir

Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön ...


Dactylo Rock, STÉRÉO TOTAL

dimanche, décembre 11, 2005

Ponctuation



Le cauchemar de la CIA – ceci n’est pas un film...

samedi, décembre 10, 2005

« Nous ne sommes pas tous des romantiques allemands »

Non mais ce blog devient vraiment un blog – parfois...

D’où, récit > Hier, Habilitation à Diriger les Recherches de mon cher professeur Éric Dayre : « L’Absolu Comparé, pour une histoire dissemblable » (& le souvenir de toutes les personnalités contrastées, les sujets de recherche parfois peu académiques – au sens d’une académie propre comme une cantine javellisée –, qui ont pu se croiser pendant le séminaire d’Éric Dayre, entre étude du romantisme anglais, philosophie, esthétique, poésie contemporaine...)
Enfin une bonne nouvelle, donc, pour l’université française – « It smells of mortality » – , qui en a bien besoin de bonnes nouvelles en forme de professeurs audacieux et polémistes, étudiant autre chose que Le père Goriot, quelques thématiques romanesques éculées (dans une vision transhistorique... de deux siècles, ouhla !!!) ou encore des avatars théâtreux mâchés et remâchés jusqu’à perte totale de goût... sans compter les dissections aussi minutieuses que stériles là où d’autres pensées s’ouvrent à l’infinitude du commentaire (« dream fugue » + sortir de la dictature de l’événementiel + di-ssem-bla-ble, tout contre...
Des pensées, comme celle d’Éric Dayre, qui passent du « commentaire » à l’ « œuvre » en créant elles-mêmes une écriture à travers la traduction, la philosophie...

}

Ce qui n’est pas sans expliquer certaines réticences personnelles... (Exemple, ces premières lignes d’un « à paraître » – sabrées de leur contexte, certes ; une tentative d’approche succincte de deux livres : Défiguration et L’Éternel retour de Michel Surya :)

« La parole devrait pouvoir se suspendre là où la littérature porte elle-même sa pensée. La parole sur la littérature – article, note, présentation, critique – faisant un pas de côté, par rapport à elle. Abolie par un processus radieux, euphorique, redonnant sens à la création d’un univers de mots et donc, d’un monde, un espace fou et souverain.

Il n’y aurait de commentaires que comme les décorations d’une fête oubliée, ou comme des papiers accrochés aux arbres par le vent, flottants, fragiles, à la merci de la moindre bourrasque les débarrassant, en entraînant d’autres aux rets des mêmes branches, sans fin.

L’on imaginerait alors vraiment à quel point l’écriture peut être un rapport intime, non pas simplement d’intellect à intellect ou de références à références, de mémoire à mémoire, mais de sensibilité à sensibilité, au sein même de la création d’une langue proclamant que tout est possible, malgré tout... »

vendredi, décembre 09, 2005

auto mobile fiction #1

Cette phrase d’Éric Meunié, présentant son roman à paraître en janvier, Auto mobile fiction :

« … Je répondrai ceci (inspiré d'un récent entretien d'embauche pour atelier d'écriture, qui n'a rien donné) que si j'ai commencé par la forme ramassée, "poétique", c'était d'avoir cru saisir un ordre universel par équations verbales. Aujourd'hui je préfère la fiction et particulièrement les moments de fiction surgis de l'existence elle-même, le travail de l’identité se situant moins dans un destin d'exception que dans la faculté de transparence sur des secrets biens communs. L'autofiction préfigure un temps où la vanité serait le laboratoire de l'universel, me plais-je à croire. »

Le roman suite de l’expérience poétique ?
Chemin ? Moment esthétique ? à lire, à suivre…

(En parenthèse, une autre « autofiction » - fiction automatique –, les Éric Meunié du réseau : styliste, ami d’Éric Chevillard, Taureau avec Lune en Verseau, spécialiste de Malcolm de Chazal, Directeur Marketing, intervenant sur France Culture, expert en télétravail…)

jeudi, décembre 08, 2005

« Logique du Gode »



Barbara Vidal et plein d’autres ont réussi à se procurer LE « Jalouse à 4 € » mais pas moi ! faisant le tour des kiosques d’une mine rougissante face aux « ben non, on n’en a plus » goguenards m’ayant poussé, en guise de rattrapage, à l’achat successif de Science & vie, Le Monde Diplo, Historia, Pif Gadget (c’est déjà un accessoire) et La Quinzaine Littéraire… de quoi faire, au moins, quelques paquets cadeaux originaux.

L’occasion également de citer le Manifeste contra-sexuel de Beatriz Preciado ; quelques notes brutes :

«

Gode = phallus marchandise.

Le gode vaut pour la rupture épistémologique qu’il initie.

Le gode a une valeur critique et non pratique.

Gode = possibilité transcendantale de donner à un organe arbitraire le pouvoir d’instaurer la différence sexuelle et de genre. Le fait d’avoir sorti du corps, sous forme de gode, l’organe qui institue le corps comme masculin doit être compris comme un acte structural et historique décisif dans le processus de déconstruction de l’hétérosexualité comme nature. L’invention du gode est la fin du pénis comme source de différence sexuelle.
Si le pénis est à la sexualité ce que dieu est à la nature, le gode rend effective le mort de dieu annoncée par Nietzsche dans le domaine de la relation sexuelle.

Avoir un orgasme avec le gode, c’est être possédé par l’objet.

Le gode est le virus, celui qui corrompt la vérité du sexe.

Il n’existe pas d’utilisation « naturelle » du gode.

Le gode renvoie à l’impossibilité de délimiter un contexte.

Le gode reconfigure les limites érogènes du corps baisant.

Les partenaires passent, le gode reste.


»

vendredi, décembre 02, 2005

Communiquant

plus j’écris moins je blog / plus je lis plus j’écris / plus je lis moins j’écris / plus je cours plus je cours / plus je rie plus je pleure / plus je bois moins je mange / plus je danse plus je chante / plus je travaille moins je dors / plus je travaille moins j’écris / plus je dors moins je sors / plus j’aime plus j’aime

Quelques gouttes échappées de vases communicants…

… Des classeurs et des classeurs de toile rouge usée. un objet à la fois contondant et maniable = en français et en allemand) en prise avec la tradition (le chant d’amour) et la gravité des douleurs (les lunettes des uns, la pause des autres et tout le monde est si joli). Cruauté, vitesse et p’tites pépés triturées en sous-bois par des papas pas vraiment catholiques, leurs sœurs, leurs frères, leurs aubes et leurs cauchemars, Ça commence par un vague haut-le-cœur, Bartok, Kafka, Shumann et Lizst, dans un carnaval de chair manifeste en prise avec les flux et les époques – de lui inventer des mots d’amour un peu désuets Sinon, louez un DVD ou faites du sport. Alors le corps s’agrippe et se décompose. En mouvements désirants, en membres et en tronçons, en vertiges, en mutilations. chien méchant aux yeux vitreux – donc mort –, & tout finit en chansons…

jeudi, décembre 01, 2005

C'est dimanche !

Photo Hosted at Buzznet.com

Deux coups de sonnette de Pierre Henry, sur France Culture .

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« Deux coups de sonnette,
deux notes douces de violon.

Tout ce que je sais, tout ce que je vois, tout ce que j’écoute,
je le choisis et le structure
comme un temps de sons.

Trame qui serait un lien entre le passé et le futur.

De ces trajectoires je fais de la musique. »